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DE LA DOULEUR

peu d’années on vous oubliera, et vous serez aussi tranquille que si vous n’aviez jamais rien publié. Vous dites que vos amis vous tendent des pièges en faisant semblant de vous rendre service. D’abord n’est-il pas possible qu’il y ait une légère nuance d’exaltation romanesque dans votre manière de juger vos relations personnelles ? Il faut votre belle imagination pour composer la nouvelle Héloïse ; mais un peu de raison est nécessaire dans les affaires d’ici-bas, et, quand on le veut bien, on voit les choses telles qu’elles sont. Si pourtant vos amis vous trompent, il faut rompre avec eux ; mais vous seriez bien insensé de vous en affliger ; car, de deux choses l’une, ou ils sont dignes de votre estime, et dans ce cas vous auriez tort de les soupçonner ; ou si vos soupçons sont bien fondés, vous ne devez pas alors regretter de tels amis. »

Après avoir écouté ce dilemme, J. J. Rousseau auroit bien pu prendre un troisième parti, celui de se jeter dans la rivière ; mais que lui auroit dit le solitaire religieux ?

« Mon fils, je ne connois pas le monde et j’ignore s’il est vrai qu’on vous y veuille du mal ; mais s’il en étoit ainsi, vous auriez cela