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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

il n’en craignit point les conséquences, et il a dit hardiment que l’âme étoit soumise a la nécessité, comme la Société au despotisme ; il admet le fatalisme des sensations pour la pensée, et celui de la force pour les actions. Il anéantit la liberté morale, comme la liberté civile, pensant avec raison qu’elles dépendent l’une de l’autre. Il fut athée et esclave ; et rien n’est plus conséquent, car s’il n’y a dans l’homme que l’empreinte des impressions du dehors, la puissance terrestre est tout, et l’âme en dépend autant que la destinée.

Le culte de tous les sentiments élevés et purs est tellement consolidé en Angleterre par les institutions politiques et religieuses, que les spéculations de l’esprit tournent autour de ces imposantes colonnes sans jamais les ébranler. Hobbes eut donc peu de partisans dans son pays ; mais l’influence de Locke fut plus universelle. Comme son caractère étoit moral et religieux, il ne se permit aucun des raisonnements corrupteurs qui dérivoient nécessairement de sa métaphysique et la plupart de ses compatriotes, en l’adoptant, ont eu comme lui la noble inconséquence de séparer les résultats des principes, tandis que Hume et les philosophes français, après avoir