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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

répondent admirablement à leurs fins ; mais dans cet enchaînement universel où s’arrêtent ces causes qui sont effets, et ces effets qui sont causes, veut-on rapporter tout à la conservation de l’homme, on aura de la peine à concevoir ce qu’elle a de commun avec la plupart des êtres ? d’ailleurs c’est attacher trop de prix à l’existence matérielle, que de la donner pour dernier but à la création.

Ceux qui, malgré la foule immense des malheurs particuliers, attribuent un certain genre de bonté a la nature, la considèrent comme un spéculateur en grand qui se retire sur le nombre. Ce système ne convient pas même à un gouvernement, et des écrivains scrupuleux en économie politique l’ont combattu. Que seroit-ce donc lorsqu’il s’agit des intentions de la divinité ? Un homme religieusement considéré est autant que la race humaine entière ; et dès qu’on a conçu l’idée d’une âme immortelle, il ne doit pas être possible d’admettre le plus ou le moins d’importance d’un individu relativement à tous. Chaque être intelligent est d’une valeur infinie, puisqu’il doit durer toujours. C’est donc d’après un point de vue plus élevé que les philosophes allemands ont considéré l’univers.