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DE LA CONTEMPLATION DE LA NATURE.

reflet des objets et des couleurs dans l’onde donne l’idée des illusions de la peinture ; le vent, dont le murmure se prolonge sous les feuilles tremblantes, nous révèle la musique. Et l’on dit même que sur les côtes de l’Asie, où l’atmosphère est plus pure, on entend quelquefois le soir une harmonie plaintive et douce que la nature semble adresser à l’homme, afin de lui apprendre qu’elle respire, qu’elle aime et qu’elle souffre.

Souvent à l’aspect d’une belle contrée on est tenté de croire qu’elle a pour unique but d’exciter en nous des sentiments élevés et nobles. Je ne sais quel rapport existe entre les cieux et la fierté du cœur, entre les rayons de la lune qui reposent sur la montagne et le calme de la conscience, mais ces objets nous parlent un beau langage, et l’on peut s’abandonner au tressaillement qu’ils causent, l’âme s’en trouvera bien. Quand le soir, à l’extrémité du paysage, le ciel semble toucher de si près à la terre, l’imagination se figure par-delà l’horizon un asile de l’espérance, une patrie de l’amour, et la nature semble répéter silencieusement que l’homme est immortel.

La succession continuelle de mort et de naissance, dont le monde physique est le théâtre, produiroit l’impression la plus douloureuse, si