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DE L’ENTHOUSIASME.

littéraires ; le caractère est tout pour les nations agissantes : les nations libres ont besoin de l’un et de l’autre.

L’égoïsme se plaît à parler sans cesse des dangers de l’enthousiasme ; c’est une véritable dérision que cette prétendue crainte ; si les habiles de ce monde vouloient être sincères, ils diroient que rien ne leur convient mieux que d’avoir affaire à ces personnes pour qui tant de moyens sont impossibles, et qui peuvent si facilement renoncer à ce qui occupe la plupart des hommes.

Cette disposition de l’âme a de la force malgré sa douceur, et celui qui la ressent sait y puiser une noble constance. Les orages des passions s’apaisent, les plaisirs de l’amour-propre se flétrissent, l’enthousiasme seul est inaltérable ; l’âme elle-même s’affaisseroit dans l’existence physique, si quelque chose de fier et d’animé ne l’arrachoit pas au vulgaire ascendant de l’égoïsme : cette dignité morale, à laquelle rien ne sauroit porter atteinte, est ce qu’il y a de plus admirable dans le don de l’existence : c’est pour elle que dans les peines les plus amères il est encore beau d’avoir vécu, comme il seroit beau de mourir.

Examinons maintenant l’influence de l’enthou-