Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/408

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
390
LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

et de patience dans leurs travaux ; ce sont en même temps ceux qui songent le moins à briller ; ils aiment la science pour elle-même, et ne se comptent pour rien dès qu’il s’agit de l’objet de leur culte : la nature physique suit sa marche invariable à travers la destruction des individus ; la pensée de l’homme prend un caractère sublime quand il parvient à se considérer lui-même d’un point de vue universel ; il sert alors en silence aux triomphes de la vérité, et la vérité est comme la nature, une force qui n’agit que par un développement progressif et régulier.

On peut dire avec quelque raison que l’enthousiasme porte à l’esprit de système ; quand on tient beaucoup à ses idées, on voudroit y tout rattacher ; mais en général il est plus aisé de traiter avec les opinions sincères qu’avec les opinions adoptées par vanité. Si dans les rapports avec les hommes on n’avoit à faire qu’à ce qu’ils pensent réellement, on pourroit facilement s’entendre ; c’est ce qu’ils font semblant de penser qui amène la discorde.

On a souvent accusé l’enthousiasme d’induire en erreur, mais peut-être un intérêt superficiel trompe-t-il bien davantage ; car, pour pénétrer l’essence des choses, il faut une impulsion qui