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DE LA PHILOSOPHIE ANGLAISE.

ment pourroit-on l’accuser de ses actions ? Si tout ce qui compose notre volonté nous vient des objets extérieurs, chacun peut en appeler à des relations particulières pour motiver toute sa conduite ; et souvent ces relations diffèrent autant entre les habitants d’un même pays qu’entre un Asiatique et un Européen. Si donc la circonstance devoit être la divinité des mortels, il seroit simple que chaque homme eût une morale qui lui fût propre, ou plutôt une absence de morale à son usage ; et pour interdire le mal que les sensations pourroient conseiller, il n’y auroit de bonne raison à opposer que la force publique qui le puniroit ; or, si la force publique commandoit l’injustice, la question se trouveroit résolue : toutes les sensations feroient naître toutes les idées qui conduiroient à la plus complète dépravation.

Les preuves de la spiritualité de l’âme ne peuvent se trouver dans l’empire des sens, le monde visible est abandonné à cet empire ; mais le monde invisible ne sauroit y être soumis ; et si l’on n’admet pas des idées spontanées, si la pensée et le sentiment dépendent en entier des sensations, comment l’âme, dans une telle servitude, seroit-elle immatérielle ? Et si,