Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/416

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
398
LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

sonné s’y mêle. Quelle misérable existence cependant que celle de tant d’hommes en ruse avec eux mêmes presque autant qu’avec les autres, et repoussant les mouvements généreux qui renaissent dans leur cœur comme une maladie de l’imagination que le grand air doit dissiper ! Quelle pauvre existence aussi que celle de beaucoup d’hommes qui se contentent de ne pas faire du mal, et traitent de folie la source d’où dérivent les belles actions et les grandes pensées ! Ils se renferment par vanité dans une médiocrité tenace, qu’ils auraient pu rendre accessible aux lumières du dehors ; ils se condamnent à cette monotonie d’idées, à cette froideur de sentiment qui laisse passer les jours sans en tirer ni fruits, ni progrès, ni souvenirs ; et si le temps ne sillonnoit pas leurs traits, quelles traces auraient-ils gardées de son passage ? s’il ne falloit pas vieillir et mourir, quelle réflexion sérieuse entreroit jamais dans leur tête ?

Quelques raisonneurs prétendent que l’enthousiasme dégoûte de la vie commune, et que ne pouvant pas rester toujours dans cette disposition, il vaut mieux ne l’éprouver jamais : et pourquoi donc ont-ils accepté d’être jeunes, de vivre même, puisque cela ne devoit pas tou-