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LA PHIOLOSOPHIE ET LA MORALE

à la réflexion. Bacon prit le premier moyen, Descartes le second ; l’un rendit d’immenses services aux sciences ; l’autre à la pensée, qui est la source de toutes les sciences.

Bacon étoit un homme d’un beaucoup plus grand génie et d’une instruction plus vaste encore que Descartes ; il a su fonder sa philosophie dans le monde matériel ; celle de Descartes fut décréditée par les savants qui attaquèrent avec succès ses opinions sur le système du monde : il pouvoit raisonner juste dans l’examen de l’âme, et se tromper par rapport aux lois physiques de l’univers ; mais les jugements des hommes étant presque tous fondés sur une aveugle et rapide confiance dans les analogies, l’on a cru que celui qui observoit si mal au dehors ne s’entendoit pas mieux à ce qui se passe en dedans de nous-mêmes. Descartes a dans sa manière d’écrire une simplicité pleine de bonhomie qui inspire de la confiance, et la force de son génie ne sauroit être contestée. Néanmoins quand on le compare soit aux philosophes allemands, soit à Platon, on ne peut trouver dans ses ouvrages ni la théorie de l’idéalisme dans toute son abstraction, ni l’imagination poétique qui en fait la beauté. Un rayon lumineux cependant avoit traversé l’esprit de