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DE LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE.

dévore comme le sphinx les milliers de systèmes qui prétendent à la gloire d’en avoir deviné le mot.

L’ouvrage de Condillac ne devroit être considéré que comme un livre de plus sur un sujet inépuisable, si l’influence de ce livre n’avoit pas été funeste. Helvétius, qui tire de la philosophie des sensations toutes les conséquences directes qu’elle peut permettre, affirme que si l’homme avoit les mains faites comme le pied d’un cheval, il n’auroit que l’intelligence d’un cheval. Certes, s’il en étoit ainsi, il seroit bien injuste de nous attribuer le tort ou le mérite de nos actions ; car la différence qui peut exister entre les diverses organisations des individus autoriseroit et motiveroit bien celle qui se trouve entre leurs caractères.

Aux opinions d’Helvétius succédèrent celles du Système de la Nature, qui tendoient à l’anéantissement de la Divinité dans l’univers, et du libre arbitre dans l’homme. Locke, Condillac, Helvétius, et le malheureux auteur du Système de la Nature, ont marché progressivement dans la même route ; les premiers pas étoient innocents : ni Locke ni Condillac n’ont connu les dangers des principes de leur philosophie ; mais