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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

gnant votre santé qui est la base du bonheur. On a connu de tout temps ces maximes ; mais on les croyoit réservées aux valets dans les comédies, et de nos jours on a fait la doctrine de la raison, fondée sur la nécessité, doctrine bien différente de la résignation religieuse, car l’une est aussi vulgaire que l’autre est noble et relevée.

Ce qui est singulier, c’est d’avoir su tirer d’une philosophie aussi commune la théorie de l’élégance ; notre pauvre nature est souvent égoïste et vulgaire, il faut s’en affliger ; mais c’est s’en vanter qui est nouveau. L’indifférence et le dédain pour les choses exaltées sont devenus le type de la grâce, et les plaisanteries ont été dirigées contre l’intérêt vif qu’on peut mettre à tout ce qui n’a pas dans ce monde un résultat positif.

Le principe raisonné de la frivolité du cœur et de l’esprit c’est la métaphysique qui rapporte toutes nos idées à nos sensations ; car il ne nous vient rien que de superficiel par le dehors, et la vie sérieuse est au fond de l’âme. Si la fatalité matérialiste, admise comme théorie de l’esprit humain, conduisoit au dégoût de tout ce qui est extérieur, comme à l’incrédulité sur tout ce