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SUR LA PHILOSOPHIE ALLEMANDE

tique admirable le système de Locke, qui attribue toutes nos idées à nos sensations. On avoit mis en action cet axiome si connu, qu’il n’y avoit rien dans l’intelligence qui n’eût été d’abord dans les sensations, et Leibnitz y ajouta cette sublime restriction, si ce n’est l’intelligence elle-même[1]. De ce principe dérive toute la philosophie nouvelle qui exerce tant d’influence sur les esprits en Allemagne. Cette philosophie est aussi expérimentale, car elle s’attache à connoître ce qui se passe en nous. Elle ne fait que mettre l’observation du sentiment intime à la place des sensations extérieures.

La doctrine de Locke eut pour partisans en Allemagne des hommes qui cherchèrent, comme Bonnet à Genève, et plusieurs autres philosophes en Angleterre, à concilier cette doctrine avec les sentiments religieux que Locke lui-même a toujours professés. Le génie deLeibnitz prévit toutes les conséquences de cette métaphysique ; et ce qui fonde à jamais sa gloire, c’est d’avoir su maintenir en Allemagne la philosophie de la liberté morale contre celle de la fatalité sensuelle.

  1. Nihil est in intellectu, quod non fuerit in sensu, nisi intellectus ipse.