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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

On n’a guère d’exemple que chez les Grecs d’une vie aussi rigoureusement philosophique, et déjà cette vie répond de la bonne foi de l’écrivain. À cette bonne foi la plus pure il faut encore ajouter un esprit fin et juste qui servoit de censeur au génie quand il se laissoit emporter trop loin. C’en est assez, ce me semble, pour qu’on doive juger au moins impartialement les travaux persévérants d’un tel homme.

Kant publia d’abord divers écrits sur les sciences physiques, et il montra dans ce genre d’étude une telle sagacité que c’est lui qui prévit le premier l’existence de la planète Uranus. Herschel lui-même, après l’avoir découverte, a reconnu que c’étoit Kant qui l’avoit annoncée. Son traité sur la nature de l’entendement humain, intitulé Critique de la raison pure, parut il y a près de trente ans, et cet ouvrage fut quelque temps inconnu ; mais lorsqu’enfin on découvrit les trésors d’idées qu’il renferme, il produisit une telle sensation en Allemagne, que presque tout ce qui s’est fait depuis lors, en littérature comme en philosophie, vient de l’impulsion donnée par cet ouvrage.

À ce traité de l’entendement humain succéda la Critique de la Raison pratique, qui portoit sur la morale, et la Critique du Jugement, qui avoit