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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

la tête des gardes du corps, et de repousser la force par la force. Mais Louis XVI se faisoit un scrupule religieux d’exposer la vie des François pour sa défense personnelle ; et son courage, dont on ne sauroit douter quand on l’a vu périr, ne le portoit jamais à aucune résolution spontanée. D’ailleurs, à cette époque, un succès même ne l’auroit pas sauvé ; l’esprit public étoit dans le sens de la révolution, et c’est en étudiant le cours des choses qu’on parvient à prévoir, autant que cela est donné à l’esprit humain, les événemens que les esprits vulgaires voudroient faire passer pour le résultat du hasard ou de l’action inconsidérée de quelques hommes.

Le roi se résolut donc à attendre l’armée, ou plutôt la foule parisienne, qui déjà s’étoit mise en marche ; et tous les regards se tournoient vers le chemin qui étoit en face des croisées. Nous pensions que les canons pourroient d’abord se diriger contre nous, et cela nous faisoit assez de peur ; mais cependant aucune femme, dans une aussi grande circonstance, n’eut l’idée de s’éloigner.

Tandis que cette masse s’avançoit sur nous, on annonçoit l’arrivée de M. de la Fayette, à la tête de la garde nationale, et c’étoit sans