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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/354

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CONSIDÉRATIONS

doute un motif pour se tranquilliser. Mais il avoit résisté long-temps au désir de la garde nationale, et ce n’étoit que par un ordre exprès de la commune de Paris qu’il avoit marché, pour prévenir par sa présence les malheurs dont on étoit menacé. La nuit approchait, et la frayeur s’accroissoit avec l’obscurité, lorsque nous vîmes entrer dans le palais M. de Chinon, qui, depuis, sous le nom de duc de Richelieu, a si justement acquis une grande considération. Il étoit pâle, défait, vêtu presque comme un homme du peuple ; c’étoit la première fois qu’un tel costume entroit dans la demeure des rois, et qu’un aussi grand seigneur que M. de Chinon se trouvoit réduit à le porter. Il avoit marché quelque temps de Paris à Versailles, confondu dans la foule, pour entendre les propos qui s’y tenaient, et il s’en étoit séparé à moitié chemin, afin d’arriver à temps pour prévenir la famille royale de ce qui se passait. Quel récit que le sien ! Des femmes et des enfans armés de piques et de faux se pressoient de toutes parts. Les dernières classes du peuple étoient encore plus abruties par l’ivresse que par la fureur. Au milieu de cette bande infernale, des hommes se vantoient d’avoir reçu le nom de coupe-têtes, et promettoient de le mé-