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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

qu’en faisant usage d’une impulsion naturelle.

La reine, en sortant du balcon, s’approcha de ma mère, et lui dit, avec des sanglots étouffés ; Ils vont nous forcer, le roi et moi, à nous rendre à Paris, avec les têtes de nos gardes du corps portées devant nous au bout de leurs piques. Sa prédiction faillit s’accomplir. Ainsi la reine et le roi furent amenés dans leur capitale. Nous revînmes à Paris par une autre route, qui nous éloignoit de cet affreux spectacle ; c’étoit à travers le bois de Boulogne que nous passâmes, et le temps étoit d’une rare beauté ; l’air agitoit à peine les arbres, et le soleil avoit assez d’éclat pour ne laisser rien de sombre dans la campagne ; aucun objet extérieur ne répondoit à notre tristesse. Combien de fois ce contraste, entre la beauté de la nature et les souffrances imposées par les hommes, ne se renouvelle-t-il pas dans le cours de la vie !

Le roi se rendit à l’Hôtel de ville, et la reine y montra la présence d’esprit la plus remarquable. Le roi dit au maire : Je viens avec plaisir au milieu de ma bonne ville de Paris ; la reine ajouta : Et avec confiance. Ce mot étoit heureux, bien qu’hélas ! l’événement ne l’ait pas justifié. Le lendemain, la reine