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CONSIDÉRATIONS

reçut le corps diplomatique et les personnes de sa cour ; elle ne pouvoit prononcer une parole sans que les sanglots la suffoquassent, et nous étions de même dans l’impossibilité de lui répondre.

Quel spectacle en effet que cet ancien palais des Tuileries, abandonné depuis plus d’un siècle par ses augustes hôtes ! La vétusté des objets extérieurs agissoit sur l’imagination, et la faisoit errer dans les temps passés. Comme on étoit loin de prévoir l’arrivée de la famille royale, très-peu d’appartemens étoient habitables, et la reine avoit été obligée de faire dresser des lits de camp pour ses enfans dans la chambre même où elle recevoit ; elle nous en fit des excuses, en ajoutant : Vous savez que je ne m’attendais pas à venir ici. Sa physionomie étoit belle et irritée ; on ne peut l’oublier quand on l’a vue.

Madame Elisabeth, sœur du roi, sembloit tout à la fois calme sur son propre sort, et agitée pour celui de son frère et de sa belle-sœur. Le courage se manifestoit en elle par la résignation religieuse ; et cette vertu, qui ne suffit pas toujours aux hommes, est de l’héroïsme dans une femme.