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CONSIDÉRATIONS

qu’au 5 octobre 1789 ; mais, à dater de cette dernière époque, c’est la force populaire qui l’a dominée. On ne sauroit trop le répéter, il n’y a pour les individus, comme pour les corps politiques, qu’un moment de bonheur et de puissance ; il faut le saisir, car l’épreuve de la prospérité ne se renouvelle guère deux fois dans le cours d’une même destinée, et qui n’en a pas profité ne reçoit, par la suite, que la triste leçon des revers. La révolution devoit descendre toujours plus bas, chaque fois que les classes plus élevées laissoient échapper les rênes, soit par leur manque de sagesse, soit par leur manque d’habileté.

Le bruit se répandit que Mirabeau et quelques autres députés seroient nommés ministres. Ceux de la montagne, qui étoient bien certains que le choix ne pouvoit les regarder, proposèrent de déclarer que les fonctions de député et celles de ministre étoient incompatibles ; décret absurde qui transformoit l’équilibre des pouvoirs en hostilités réciproques. Mirabeau, dans cette occasion, proposa très-spirituellement de s’en tenir à l’exclure lui seul, nominativement, de tout emploi dans le ministère, afin que l’injustice personnelle dont il étoit l’objet, disait-il, ne fît pas pren-