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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

le dessein, et qu’il fut aidé par des troupes étrangères ; il se pouvoit qu’un grand parti se déclarât pour lui dans l’intérieur. Enfin les inquiétudes faisoient cesser les exagérations, et parmi les députés du parti populaire, tel qui avoit crié à la tyrannie quand on lui proposoit la constitution anglaise, y auroit souscrit bien volontiers alors.

Jamais on ne sauroit se consoler de l’arrestation du roi à Varennes ; des fautes irréparables, des forfaits dont on doit long-temps rougir, ont altéré le sentiment de la liberté dans les âmes les plus faites pour l’éprouver. Si le roi avoit passé la frontière, peut-être une constitution raisonnable serait-elle sortie de la lutte entre les deux partis. Il falloit avant tout, s’écriera-t-on, éviter la guerre civile. Avant tout, non ; beaucoup d’autres fléaux sont encore plus à craindre. Des vertus généreuses se développent dans ceux qui combattent pour leur opinion, et il est plus naturel de verser son sang en la défendant, que pour l’un des milliers d’intérêts politiques, causes habituelles des guerres. Sans doute il est cruel de se battre contre ses concitoyens ; mais il est bien plus horrible encore d’être opprimé par eux ; et ce qu’il faut surtout éviter à la France, c’est le triomphe com-