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CONSIDÉRATIONS

plet d’un parti. Car une longue habitude de la liberté est nécessaire, pour que le sentiment de la justice ne soit point altéré par l’orgueil de la puissance.

Le roi laissa, en s’en allant, un manifeste qui contenoit les motifs de son départ ; il rappeloit les traitemens qu’on lui avoit fait éprouver, et déclaroit que son autorité étoit tellement réduite, qu’il n’avoit plus les moyens de gouverner. Au milieu de ces plaintes si légitimes, il ne falloit pas insérer quelques observations trop minutieuses sur le mauvais état du château des Tuileries ; il est très-difficile aux souverains héréditaires de ne pas se laisser dominer par les habitudes, dans les plus petites comme dans les plus grandes circonstances de leur vie ; mais c’est peut-être pour cela même qu’ils sont plus propres que les chefs électifs au règne des lois et de la paix. Le manifeste de Louis XVI finissoit par cette assurance mémorable, qu’en recouvrant son indépendance, il vouloit la consacrer à fonder la liberté du peuple françois sur des bases inébranlables. Tel étoit le mouvement des esprits alors, que personne, ni le roi lui-même, n’envisageoit comme possible le rétablissement d’une monarchie sans limites.