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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/141

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pour s’en faire un appui contre les classes privilégiées. Le tiers état fit dès lors connoître qu’il prendrait sa place de nation dans les états généraux ; mais il ne vouloit pas tenir cette place de la main d’un ministre qui ne revenoit aux idées libérales qu’après avoir vainement tenté d’établir les institutions les plus despotiques.

Enfin l’archevêque de Sens acheva d’exaspérer toutes les classes, en suspendant le paiement d’un tiers des rentes de l’état. Alors un cri général s’éleva contre lui ; les princes eux-mêmes allèrent demander au roi de le renvoyer, et beaucoup de gens le crurent fou, tant sa conduite parut misérable. Il ne l’étoit pas cependant, et c’étoit même un homme d’esprit dans l’acception commune de ce mot ; il avoit les talens nécessaires pour être un bon ministre dans le train ordinaire d’une cour. Mais, quand les nations commencent à être de quelque chose dans les affaires publiques, tous ces esprits de salon sont inférieurs à la circonstance : ce sont des hommes à principes qu’il faut ; ceux-là seuls suivent une marche ferme et décidée ; il n’y a que les grands traits du caractère et de l’âme qui, comme la Minerve de Phidias, puissent agir sur les masses en étant