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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

CHAPITRE XVIII.

De la conduite du tiers état pendant les deux premiers mois
de la session des états généraux.

QUELQUES individus de la noblesse et du clergé, les premiers de leur pays, inclinoient fortement, comme nous l’avons dit, pour le parti populaire ; beaucoup d’hommes éclairés se trouvoient parmi les députés du tiers état. Il ne faut pas juger de la France d’alors par celle d’aujourd’hui : vingt-cinq ans de périls continuels en tout genre ont malheureusement accoutumé les François à n’employer leurs facultés qu’à la protection d’eux-mêmes ; mais on comptoit en 1789 un grand nombre d’esprits supérieurs et philosophiques. Pourquoi donc, dira-t-on, ne pas s’en tenir au régime sous lequel ils s’étoient formés ainsi ? Ce n’étoit pas le gouvernement, mais les lumières du siècle qui avoient développé tous ces talens, et ceux qui se les sentoient éprouvoient le besoin de les exercer : toutefois l’ignorance du peuple à Paris, et plus encore dans les provinces, cette