Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/219

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sentent où est la force, mieux qu’aucun peuple du monde ; et, moitié par calcul, moitié par enthousiasme, ils se précipitent vers la puissance, et l’augmentent de plus en plus en s’y ralliant.

Le roi, comme on le verra dans le chapitre suivant, se détermina beaucoup trop tard à intervenir dans la crise ; mais par une maladresse ordinaire au parti des privilégiés, toujours faible sans cesser d’être confiant, le grand maître des cérémonies imagina de faire fermer la salle où se rassembloit le tiers état, pour y placer l’estrade et le tapis nécessaires à la réception du roi. Le tiers état crut, ou fit semblant de croire qu’on lui défendoit de se rassembler ; les troupes qui s’avançoient de toutes parts autour de Versailles, mettoient les députés dans la situation du monde la plus avantageuse. Le danger étoit assez apparent pour leur donner l’air du courage ; et ce danger, cependant, n’étoit pas assez réel pour que les hommes timides y cédassent. Tout ce qui composoit l’assemblée nationale se réunit donc dans la salle du jeu de paume, pour prêter serment de maintenir ses droits ; ce serment n’étoit pas sans quelque dignité ; et, si le parti des privilégiés avoit été