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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

Quand M. Necker disoit au roi et à la reine : Êtes-vous assurés de l’armée ? on croyoit voir dans ce doute un sentiment factieux ; car l’un des traits qui caractérisent le parti des aristocrates en France, c’est d’avoir pour suspecte la connaissance des faits. Ces faits, qui sont opiniâtres, se sont en vain soulevés dix fois contre les espérances des privilégiés : toujours ils les ont attribués à ceux qui les ont prévus, mais jamais à la nature des choses. Quinze jours après l’ouverture des états généraux, avant que le tiers état se fût constitué assemblée nationale, lorsque les deux partis ignoroient encore leur force réciproque, et qu’ils s’adressoient tous les deux au gouvernement, pour requérir son appui, M. Necker présenta au roi un tableau de la situation de la monarchie. « Sire, lui dit-il, je crains qu’on ne vous trompe sur l’esprit de votre armée : la correspondance des provinces nous fait croire qu’elle ne marchera pas contre les états généraux. Ne la faites donc point approcher de Versailles, comme si vous aviez l’intention de l’employer hostilement contre les députés. Le parti populaire ne sait point encore positivement quelle est la disposition de cette armée. Servez-vous de cette incertitude même