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SUR LA RÉVOLUTIION FRANÇAISE

La majorité du clergé, la minorité de la noblesse, tous les députés du tiers se rendirent auprès de M. Necker, à son retour de chez le roi ; sa maison pouvoit à peine contenir ceux qui s’y étoient réunis, et c’est là qu’on voyoit ce qu’il y a de vraiment aimable dans le caractère des François, la vivacité de leurs impressions, leur désir de plaire, et la facilité avec laquelle un gouvernement peut les captiver ou les révolter, selon qu’il s’adresse bien ou mal au génie d’imagination dont ils sont susceptibles. J’entendais mon père conjurer les députés du tiers de ne pas porter trop loin leurs prétentions. « Vous êtes les plus forts maintenant, disoit-il ; c’est donc à vous que convient la sagesse. » Il leur peignoit l’état de la France, et le bien qu’ils pouvoient faire ; plusieurs pleuraient, et lui promettoient de se laisser guider par ses conseils ; mais ils lui demandoient aussi de leur répondre des intentions du roi. La puissance royale inspiroit encore non-seulement du respect, mais un reste de crainte ; c’étoit ces sentimens qu’il falloit ménager.

Cent cinquante ecclésiastiques, parmi lesquels se trouvoient des prélats d’un ordre supérieur, avoient déjà passé à l’assemblée nationale ; quarante-sept membres de la no-