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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/267

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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

ment, il faut, ou ne pas croire à la vertu, ou reconnaître une des vertus les plus pures qui aient jamais existé sur la terre. »

Les transports de tout un peuple dont je venais d’être témoin, la voiture de mon père traînée par les citoyens des villes que nous traversions, les femmes à genoux dans les campagnes, quand elles le voyoient passer, rien ne me fit éprouver une émotion aussi vive qu’une telle opinion prononcée par un tel homme.

En moins de quinze jours, deux millions de gardes nationaux furent sur pied en France. On hâta sans doute l’armement de ces milices, en répandant habilement le bruit dans chaque ville et dans chaque village, que les brigands alloient arriver ; mais le sentiment unanime qui fit sortir le peuple de tutelle ne fut inspiré par aucune adresse, ni dirigé par aucun homme ; l’ascendant des corps privilégiés et la force des troupes réglées disparurent en un instant. La nation remplaça tout, elle dit comme le Cid : Nous nous levons alors ; et il lui suffit de se montrer pour remporter la victoire. Mais, hélas ! en peu de temps aussi les flatteurs la dépravèrent, parce qu’elle étoit devenue une puissance.

Dans le voyage de Bâle à Paris, les nouvel-