Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
CONSIDÉRATIONS

compagnie, et son premier désir étoit d’y rentrer. Mais il falloit mettre le feu à l’édifice social, pour que les portes des salons de Paris lui fussent ouvertes. Mirabeau, comme tous les hommes sans morale, vit d’abord son intérêt personnel dans la chose publique, et sa prévoyance fut bornée par son égoïsme.

Un malheureux député de la commune, homme à bonnes intentions, mais sans aucune sorte de talent, rendit compte à l’assemblée constituante de la journée de l’Hôtel de ville, dans laquelle M. Necker avoit triomphé des passions haineuses qu’on vouloit exciter parmi le peuple ; ce député hésitoit si péniblement, il s’exprimoit avec une telle froideur, et cependant il montroit un tel désir d’être éloquent, qu’il détruisit tout l’effet de l’admirable récit dont il s’étoit chargé. Mirabeau, blessé néanmoins jusqu’au fond de son orgueil des succès de M. Necker, se promit de défaire par l’ironie dans l’assemblée, et par des soupçons auprès du peuple, ce que l’enthousiasme avoit produit. Il se rendit dès le jour même dans toutes les sections de Paris, et il obtint la rétractation de l’amnistie accordée la veille ; il tâcha d’exaspérer les esprits contre les projets qu’avoit eus la cour, et fit naître chez les Parisiens une cer-