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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

infiniment préférable, car, au moins, le peu de lettres qui pourroient arriver dans les départemens contiendroient quelques vérités pures. L’imprimerie feroit tomber le genre humain dans les ténèbres des sophismes, si l’autorité seule pouvoit en disposer, et que les gouvernemens eussent ainsi la possibilité de contrefaire la voix publique. Chaque découverte sociale est un moyen de despotisme, si elle n’est pas un moyen de liberté.

Mais, dira-t-on, tous les troubles de France ont été causés par la licence de la presse. Qui ne reconnoît aujourd’hui que l’assemblée constituante auroit dû soumettre les écrits factieux, comme tout autre délit public, au jugement des tribunaux ? Mais si, pour maintenir son pouvoir, elle avoit fait taire ses adversaires, et laissé la parole imprimée seulement à ses amis, le gouvernement représentatif auroit été anéanti. Une représentation nationale imparfaite n’est qu’un instrument de plus pour la tyrannie. On a vu, dans l’histoire d’Angleterre, combien les parlemens asservis ont été plus loin que les ministres eux-mêmes dans la bassesse envers le pouvoir. La responsabilité n’est point à craindre pour les corps ; d’ailleurs, plus les choses sont belles en elles-mêmes, la représentation natio-