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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

adopter le sénat à vie, en se réunissant à M. de Lally et à son parti. Mais ils imaginèrent de voter pour une seule chambre, au lieu de deux, dans l’espoir d’amener le bien par l’excès même du mal ; détestable calcul, quoiqu’il séduisît les esprits par un air de profondeur. Les hommes croient que tromper fait plus d’honneur à leur esprit qu’être vrais, parce que le mensonge est de leur invention ; c’est un amour-propre d’auteur très-mal placé.

Après que la cause des deux chambres fut perdue, on s’occupa de la sanction du roi. Le veto qu’on devoit lui accorder serait-il suspensif ou absolu ? Ce mot absolu retentissoit aux oreilles du vulgaire, comme s’il avoit été question du despotisme, et l’on vit commencer la funeste influence des cris du peuple sur les décisions des hommes éclairés. À peine la pensée peut-elle se recueillir assez en elle-même pour comprendre toutes les questions qui tiennent à des institutions politiques ; or, qu’y a-t-il de plus funeste que de livrer de telles questions aux raisonnements, et surtout aux plaisanteries de la multitude ? On parloit du veto dans les rues de Paris, comme d’une espèce de monstre qui devoit dévorer les petits enfants. Il ne faut pas en conclure ce que le