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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/380

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CONSIDÉRATIONS

des siècles, pour obliger à reprendre les noms patronymiques. Ainsi les Montmorency se seroient appelés Bouchard ; la Fayette, Mottié ; Mirabeau, Riquetti. C’étoit dépouiller la France de son histoire, et nul homme, quelque démocrate qu’il fût, ne vouloit ni ne devoit renoncer ainsi à la mémoire de ses aïeux. Le lendemain du jour où ce décret fut porté, les journalistes imprimèrent dans le récit des séances Riquetti l’aîné, au lieu du comte de Mirabeau ; il s’approcha furieux des écrivains qui assistoient à l’assemblée, et leur dit : Avec votre Riquetti vous avez désorienté l’Europe pendant trois jours. Ce mot encouragea chacun à reprendre le nom de son père ; il eut été difficile de l’empêcher sans une inquisition bien contraire aux principes de l’assemblée, car on ne doit pas cesser de rappeler qu’elle ne s’est jamais servie des moyens du despotisme pour établir la liberté.

M. Necker seul, dans le conseil d’état, proposa au roi de refuser sa sanction au décret qui anéantissoit la noblesse, sans établir le patriciat à sa place ; et, son opinion n’ayant pu prévaloir, il eut le courage de la publier. Le roi avoit résolu de sanctionner indistinctement tous les décrets de l’assemblée ; son sys-