Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/395

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Ce qui nuit aux agrémens de la société en Angleterre, ce sont les occupations et les intérêts d’un état depuis long-temps représentatif. Ce qui rendoit au contraire la société françoise un peu superficielle, c’étoient les loisirs de la monarchie. Mais tout à coup la force de la liberté vint se mêler à l’élégance de l’aristocratie ; dans aucun pays ni dans aucun temps, l’art de parler sous toutes ses formes n’a été aussi remarquable que dans les premières années de la révolution.

Les femmes en Angleterre sont accoutumées à se taire devant les hommes, quand il est question de politique ; les femmes en France dirigeoient chez elles presque toutes les conversations, et leur esprit s’étoit formé de bonne heure à la facilité que ce talent exige. Les discussions sur les affaires publiques étoient donc adoucies par elles, et souvent entremêlées de plaisanteries aimables et piquantes. L’esprit de parti, il est vrai, divisoit la société ; mais chacun vivoit avec les siens.

À la cour, les deux bataillons de la bonne compagnie, l’un fidèle à l’ancien régime, et l’autre partisan de la liberté, se rangeoient en présence, et ne s’approchoient guère. Il m’arrivoit quelquefois, par esprit d’entreprise,