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CONSIDÉRATIONS

Dans tout ce qui ne tenoit pas à l’esprit de parti, l’assemblée constituante montroit le plus haut degré de raison et de lumières ; mais il y a quelque chose de si violent dans les passions, que la chaîne des raisonnemens en est brisée ; de certains mots allument le sang, et l’amour-propre fait triompher les satisfactions éphémères sur tout ce qui pourroit être durable.

La même défiance contre le roi, qui entravoit la marche de l’administration et de l’ordre judiciaire, se faisoit encore plus sentir dans les décrets relatifs à la force militaire. On fomentoit volontairement l’indiscipline dans l’armée, tandis que rien n’étoit si facile que de la contenir ; on en vit la preuve dans l’insurrection du régiment de Châteauvieux ; il plut à l’assemblée constituante de réprimer cette révolte, et dans peu de jours ses ordres furent exécutés. M. de Bouillé, officier d’un vrai mérite, dans l’ancien régime, à la tête des troupes restées fidèles, força les soldats insurgés à rendre la ville de Nancy dont ils s’étoient emparés. Ce succès, qu’on devoit seulement à l’ascendant des décrets de l’assemblée, donna de fausses espérances à la cour : elle imagina, et M. de Bouillé