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CONSIDÉRATIONS

sa mort me frappa douloureusement, et tout Paris éprouva la même impression. Pendant sa maladie, une foule immense se rassembloit chaque jour et à chaque heure devant sa porte ; cette foule ne faisoit pas le moindre bruit, dans la crainte de l’incommoder ; elle se renouveloit plusieurs fois pendant le cours des vingt-quatre heures, et des individus de différentes classes se conduisoient tous avec les mêmes égards. Un jeune homme, ayant ouï dire que si l’on introduisoit du sang nouveau dans les veines d’un mourant, il revivrait, vint s’offrir pour sauver la vie de Mirabeau aux dépens de la sienne. On ne peut voir sans être attendri les hommages rendus au talent ; ils diffèrent tant de ceux qu’on prodigue à la puissance !

Mirabeau savoit qu’il alloit mourir. Dans cet instant, loin de s’affliger, il s’enorgueillissoit ; on tiroit le canon pour une cérémonie ; il s’écria : J’entends déjà les funérailles d’Achille. En effet, un orateur intrépide qui défendroit avec constance la cause de la liberté, pourroit se comparer à un héros. Après ma mort, dit-il encore, les factieux se partageront les lambeaux de la monarchie. Il avoit conçu le projet de réparer beaucoup de maux, mais il ne lui fut pas accordé d’expier lui-même ses fautes. Il