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Page:De Staël – La Révolution française, Tome I.djvu/52

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CONSIDÉRATIONS

chaque François crut sentir au cœur le poignard qui trancha sa belle vie.

Il ne faut jamais juger les despotes par les succès momentanés que la tension même du pouvoir leur fait obtenir. C’est l’état dans lequel ils laissent le pays à leur mort ou à leur chute, c’est ce qui reste de leur règne après eux, qui révèle ce qu’ils ont été. L’ascendant politique des nobles et du clergé a fini en France avec Louis XIV ; il ne les avoit fait servir qu’à sa puissance ; ils se sont trouvés après lui sans liens avec la nation même, dont l’importance s’accroissoit chaque jour.

Louis XV, ou plutôt ses ministres, ont eu des disputes continuelles avec les parlemens, qui se rendoient populaires en refusant les impôts ; et les parlemens tenoient à la classe du tiers état, du moins en grande partie. Les écrivains, qui éloient pour la plupart aussi de cette classe, conquéroient par leur talent la liberté de la presse qu’on leur refusoit légalement. L’exemple de l’Angleterre agissoit chaque jour sur les esprits, et l’on ne concevoit pas bien pourquoi sept lieues de mer séparoient un pays où la nation étoit tout, d’un pays où la nation n’étoit rien.

L’opinion, et le crédit, qui n’est que l’opi-