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CONSIDÉRATIONS

rent pour repousser les forces des coalisés ; le peuple étoit animé d’une fureur aussi fatale dans l’intérieur qu’invincible au dehors. D’ailleurs, l’abondance factice, mais inépuisable, du papier-monnaie, le bas prix des denrées, l’humiliation des propriétaires, qui en étoient réduits à se condamner extérieurement à la misère, tout faisoit croire aux gens de la classe ouvrière que le joug de la disparité des fortunes alloit enfin cesser de peser sur eux ; cet espoir insensé doubloit les forces que la nature leur a données ; et l’ordre social, dont le secret consiste dans la patience du grand nombre, parut tout à coup menacé. Mais l’esprit militaire, n’ayant pour but alors que la défense de la patrie, rendit le calme à la France en la couvrant de son bouclier. Cet esprit a suivi sa noble direction jusqu’au moment où, comme nous le verrons dans la suite, un homme a tourné contre la liberté même des légions sorties de terre pour la défendre.