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CONSIDÉRATIONS

CHAPITRE VIII.

De l’exil.

PARMI toutes les attributions de l’autorité, l’une des plus favorables à la tyrannie, c’est la faculté d’exiler sans jugement. On avoit présenté avec raison les lettres de cachet de l’ancien régime, comme l’un des motifs les plus pressans pour faire une révolution en France ; et c’étoit Bonaparte, l’élu du peuple, qui, foulant aux pieds tous les principes en faveur desquels le peuple s’étoit soulevé, s’arrogeoit le pouvoir d’exiler quiconque lui déplaisoit un peu, et d’emprisonner, sans que les tribunaux s’en mêlassent, quiconque lui déplaisoit davantage. Je comprends, je l’avoue, comment les anciens courtisans, en grande partie, se sont ralliés au système politique de Bonaparte ; ils n’avoient qu’une concession à lui faire, celle de changer de maître ; mais les républicains, que le gouvernement de Napoléon devoit heurter dans chaque parole, dans chaque acte, dans chaque décret, comment pouvaient-ils se prêter à sa tyrannie ?