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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

peut réduire l’espèce humaine. Les machiavélistes diront que c’est ainsi qu’il faut tromper les hommes ; mais est-il vrai que de nos jours on trompe les hommes ? On obéissoit à Bonaparte, ne cessons de le répéter, parce qu’il donnoit de la gloire militaire à la France. Que ce fût bon ou mauvais, c’étoit un fait clair et sans mensonge. Mais toutes les farces chinoises qu’il faisoit jouer devant son char de triomphe, ne plaisoient qu’à ses serviteurs, qu’il auroit pu mener de cent autres manières, si cela lui avoit convenu. Bonaparte a souvent pris sa cour pour son empire ; il aimoit mieux qu’on le traitât comme un prince que comme un héros : peut-être, au fond de son âme, se sentoit-il encore plus de droits au premier de ces titres qu’au second.

Les partisans des Stuarts, lorsqu’on offroit la royauté à Cromwell, s’appuyèrent sur les principes des amis de la liberté pour s’y opposer, et ce n’est qu’à l’époque de la restauration qu’ils reprirent la doctrine du pouvoir absolu ; mais au moins restèrent-ils fidèles à l’ancienne dynastie. Une grande partie de la noblesse françoise s’est précipitée dans les cours de Bonaparte et de sa famille. Lorsqu’on reprochoit à un homme du plus grand nom de s’être fait