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CONSIDÉRATIONS

peut-être, il est vrai le plus grand de tous, celui d’accroître ses forces militaires à un tel degré, qu’on pourroit craindre pour sa liberté, si l’on ne se fioit pas à son esprit public.

On ne peut nier qu’il ne soit très-naturel que la France envie la prospérité de l’Angleterre ; et ce sentiment l’a portée à se laisser tromper sur quelques-uns des essais de Bonaparte pour élever l’industrie françoise à la hauteur de celle de l’Angleterre. Mais est-ce par des prohibitions armées qu’on crée de la richesse ? La volonté des souverains ne sauroit plus diriger le système industriel et commercial des nations : il faut les laisser aller à leur développement naturel, et seconder leurs intérêts selon leurs vœux. Mais de même qu’une femme, pour s’irriter des hommages offerts à sa rivale, n’en obtient pas davantage elle-même, une nation, en fait de commerce et d’industrie, ne peut l’emporter qu’en sachant attirer les tributs volontaires, et non en proscrivant la concurrence.

Les gazetiers officiels étoient chargés d’insulter la nation et le gouvernement anglois ; dans les feuilles de chaque jour, d’absurdes dénominations, telles que celles de perfides insulaires, de marchands avides, étoient sans cesse répétées avec des variations qui ne devoient pour-