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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

CHAPITRE XVI.

De la littérature sous Bonaparte.

CETTE même police, pour laquelle nous n’avons pas de termes assez méprisans, pas de termes qui puissent mettre assez de distance entre un honnête homme et quiconque pouvoit entrer dans une telle caverne, c’étoit elle que Bonaparte avoit chargée de diriger l’esprit public en France : et, en effet, dès qu’il n’y a pas de liberté de la presse, et que la censure de la police ne s’en tient pas à réprimer, mais dicte à tout un peuple les opinions qu’il doit avoir sur la politique, sur la religion, sur les mœurs, sur les livres, sur les individus, dans quel état doit tomber une nation qui n’a d’autre nourriture pour ses pensées que celle que permet ou prépare l’autorité despotique ! Il ne faut donc pas s’étonner si en France la littérature et la critique littéraire sont déchues à un tel point. Ce n’est pas certainement qu’il y ait nulle part plus d’esprit et plus d’aptitude à tout que chez les François. On peut voir quels progrès étonnans ils ne cessent de faire