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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

CHAPITRE XVIII.

De la doctrine politique de Bonaparte.

UN jour M. Suard, l’homme de lettres françois qui réunit au plus haut degré le tact de la littérature à la connoissance du grand monde, parloit avec courage devant Napoléon sur la peinture des empereurs romains, dans Tacite. Fort bien, dit Napoléon ; mais il devoit nous expliquer pourquoi le peuple romain toléroit et même aimoit ces mauvais empereurs. C’étoit là ce qu’il importoit de faire connaître à la postérité. Tâchons de ne pas mériter, relativement à l’empereur de France lui-même, les reproches qu’il faisoit à l’historien romain.

Les deux principales causes du pouvoir de Napoléon en France ont été sa gloire militaire avant tout, et l’art qu’il eut de rétablir l’ordre sans attaquer les passions intéressées que la révolution avoit fait naître. Mais tout ne consistoit pas dans ces deux problèmes.

On prétend qu’au milieu du conseil d’état, Napoléon montroit dans la discussion une sagacité universelle. Je doute un peu de l’esprit