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CONSIDÉRATIONS

tente de l’empereur pour lui demander ses ordres, et il ne leur étoit pas permis de s’y asseoir. Sa famille ne souffroit pas moins que les étrangers de son despotisme et de sa hauteur. Lucien a mieux aimé vivre prisonnier en Angleterre que de régner sous les ordres de son frère. Louis Bonaparte, dont le caractère est généralement estimé, se vit contraint, par sa probité même, à renoncer à la couronne de Hollande ; et, le croiroit-on ? quand il causoit avec son frère, pendant deux heures, tête à tête, forcé par sa mauvaise santé de s’appuyer péniblement contre la muraille, Napoléon ne lui offroit pas une chaise ; il demeuroit lui-même debout, de crainte que quelqu’un n’eût l’idée de se familiariser assez avec lui pour s’asseoir en sa présence.

La peur qu’il causoit dans les derniers temps étoit telle, que personne ne lui adressoit le premier la parole sur rien. Quelquefois il s’entretenoit avec la plus grande simplicité au milieu de sa cour, et dans son conseil d’état. Il souffroit la contradiction, il y encourageoit même, quand il s’agissoit de questions administratives ou judiciaires, sans relation avec son pouvoir. Il falloit voir alors l’attendrissement de ceux auxquels il avoit rendu pour un moment la respiration libre ; mais, quand le maître re-