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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

le continent de l’Europe, qu’il obligeoit à marcher contre la puissante nation limitrophe de l’Asie. Les prétextes étoient de peu de chose pour un homme arrivé à un tel degré de pouvoir ; cependant il falloit adopter sur l’expédition de Russie une phrase à donner aux courtisans, comme le mot d’ordre. Cette phrase étoit que la France se voyoit obligée de faire la guerre à la Russie, parce qu’elle n’observoit pas le blocus continental envers l’Angleterre. Or, pendant ce temps, Bonaparte accordoit lui-même sans cesse à Paris des licences pour des échanges avec les négocians de Londres ; et l’empereur de Russie auroit pu, à meilleur droit, lui déclarer la guerre, comme manquant au traité par lequel ils s’étoient engagés réciproquement à ne point faire de commerce avec les Anglois. Mais qui se donneroit la peine aujourd’hui de justifier une telle guerre ? Personne, pas même Bonaparte ; car son respect pour le succès est tel y qu’il doit se condamner lui-même d’avoir encouru de si grands revers.

Cependant le prestige de l’admiration et de la terreur que Napoléon inspiroit étoit si grand, que l’on n’avoit guère de doute sur ses triomphes. Pendant qu’il étoit à Dresde, en 1812,