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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

grand débat, la France est demeurée neutre : elle ne s’est pas doutée qu’il s’agissoit d’elle quand il s’agissoit de lui. Le peuple le plus guerrier a vu, presque avec insouciance, les succès de ces mêmes étrangers qu’il avoit combattus tant de fois avec gloire ; et les habitans des villes et des campagnes n’aidèrent que faiblement les soldats françois, ne pouvant se persuader qu’après vingt-cinq ans de victoires, un événement inouï, l’entrée des alliés à Paris, pût arriver. Elle eut lieu cependant, cette terrible justice de la destinée. Les coalisés furent généreux ; Alexandre, ainsi que nous le verrons dans la suite, se montra toujours magnanime. Il entra le premier dans la ville conquise en sauveur tout-puissant, en philanthrope éclairé ; mais, tout en l’admirant, qui pouvoit être François et ne pas sentir une effroyable douleur ?

Du moment où les alliés passèrent le Rhin et pénétrèrent en France, il me semble que les vœux des amis de la France devoient être absolument changés. J’étois alors à Londres, et l’un des ministres anglois me demanda ce que je souhaitois. J’osai lui répondre que mon désir étoit que Bonaparte fût victorieux et tué. Je trouvai dans les Anglois assez de grandeur d’âme pour