Les Anglois citent toujours la grande charte comme le plus honorable titre de leur antique généalogie d’hommes libres ; et en effet c’est une chose admirable qu’un tel contrat entre la nation et le roi. Dès l’année 1215, la liberté individuelle et le jugement par jurés y sont énoncés dans les termes dont on pourroit se servir de nos jours. À cette même époque du moyen âge, comme nous l’avons indiqué dans l’introduction, il y eut un mouvement de liberté dans toute l’Europe. Mais les lumières et les institutions qu’elles font naître n’étant point encore répandues, il ne résulta rien de stable de ce mouvement en Angleterre, jusqu’en 1688, c’est-à-dire, près de cinq siècles après la grande charte. Pendant toute cette période, elle n’a pas cessé d’être enfreinte. Le successeur de celui qui l’avoit signée, le fils de Jean sans Terre, Henri III, fit la guerre à ses barons, pour s’affranchir des promesses de son père. Les barons, dans cette circonstance, avoient protégé le tiers état, pour s’appuyer de la nation contre l’autorité royale. Le successeur de Henri III, Edouard Ier, jura onze fois la grande charte ; ce qui prouve qu’il y manqua plus souvent encore. Ni les rois ni les nations ne tiennent les sermens politiques, que lorsque