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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

hommes publics, ne feroit-elle pas connaître les présens corrupteurs qui perdroient à jamais ceux qui les auroient reçus, aussi bien que les ministres qui les auroient donnés ?

Il existait, j’en conviens, sous les prédécesseurs de M. Pitt, quelques exemples de marchés conclus pour l’état, de manière à favoriser indirectement des députés ; mais M. Pitt s’est tout-à-fait abstenu de ces moyens indignes de lui ; il a établi la libre concurrence pour les emprunts et les fournitures ; et aucun homme, cependant, n’a exercé plus d’empire sur les deux chambres. « Oui, dira-t-on ; les députés et les pairs ne sont point achetés par de l’argent, mais ils veulent avoir des places pour eux et leurs amis ; et ce genre de séduction est aussi efficace que l’autre. » Sans doute c’est une partie de la prérogative du roi, et par conséquent de la constitution, que les faveurs dont la couronne peut disposer. Cette influence est un des points de la balance si sagement combinée, et d’ailleurs, elle est encore très-limitée. Jamais le ministère n’auroit ni le moyen, ni l’idée de changer rien à ce qui touche aux libertés constitutionnelles de l’Angleterre : l’opinion, à cet égard, lui présente une barrière invincible. La pudeur publique consacre de certaines vérités comme