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CORINNE OU L’ITALIE

gnement nécessaire à l’existence rêveuse qu’on y mène : l’image de Corinne se peignit dans cette onde si pure, qu’elle porte depuis plusieurs siècles le nom de l’eau virginale. Oswald, qui s’était arrêté dans le même lieu peu de momens après, aperçut le charmant visage de son amie qui se répétait dans l’eau. Il fut saisi d’une émotion tellement vive qu’il ne savait pas d’abord si c’était son imagination qui lui faisait apparaître l’ombre de Corinne, comme tant de fois elle lui avait montré celle de son père ; il se pencha vers la fontaine pour mieux voir, et ses propres traits vinrent alors se réfléchir à côté de ceux de Corinne. Elle le reconnut, fit un cri, s’élança vers lui rapidement et lui saisit le bras, comme si elle eut craint qu’il ne s’échappa ! de nouveau ; mais à peine se fut-elle livrée à ce mouvement trop impétueux, qu’elle rougit, en se ressouvenant du caractère de lord Nelvil, d’avoir montré si vivement ce qu’elle éprouvait ; et laissant tomber la main qui retenait Oswald, elle se couvrit le visage avec l’autre pour cacher ses pleurs.

— Corinne, dit Oswald, chère Corinne, mon absence vous a donc rendue malheureuse ! — Oh, oui, répondit-elle, et vous en étiez sûr ! Pourquoi donc me faire du mal ? ai-je mérité de souffrir par vous ! — Non, s’écria lord Nelvil, non, sans doute. Mais si je ne me crois pas libre, si je