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CORINNE OU L’ITALIE

cyprès qu’on aperçoit de distance en distance dans la riante campagne d’Italie retracent aussi ces souvenirs solennels ; et ce contraste produit le même effet que les vers d’Horace,

................. moriture Delli,
.................................
Linquenda tellus, et domus, et placens
Uxor[1],


au milieu des poésies consacrées à toutes les jouissances de la terre. Les anciens ont toujours senti que l’idée de la mort a sa volupté ; l’amour et les fêtes la rappellent, et l’émotion d’une joie vive semble s’accroître par l’idée même de la brièveté de la vie.

Corinne et lord Nelvil revinrent de la course des tombeaux en côtoyant les bords du Tibre. Jadis il était couvert de vaisseaux et bordé de palais ; jadis ses inondations mêmes étaient regardées comme des présages : c’était le fleuve prophète, la divinité tutélaire de Rome[2]. Maintenant on dirait qu’il coule parmi les ombres, tant il est solitaire, tant la couleur de ses eaux paraît livide  ! Les plus beaux monumens des

  1. Dellius, il faut mourir.................
    Il faut quitter la terre et ta demeure, et ton épouse chérie.
  2. Plin. Hist. natur. l. III. Tiberis…… quamlibet magnorum navium ex Italo mari capax, rerum in toto orbe nascentium mercator placidissimus, pluribus propè solus quàm ceteri in omnibus terris amnes, accolitur, aspiciturque villis. Nullique fluviorum minùs licet, inclusis utrinque lateribus : nec tamen ipse pugnat, quanquam creber ac subitis incrementis, et nusquam magis aquis quàm in ipsâ urbe slagnantibus. Quin immò vates intelligitur potiùs ac monitor, auctu semper religiosus veriùs, quàm sævus.