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CORINNE OU L’ITALIE

France ; singulière bizarrerie que cette négligence du nécessaire et cette affectation de l’inutile ! Mais on est souvent surpris à Rome, et dans la plupart des autres villes d’Italie, du goût qu’ont les Italiens pour les ornemens maniérés, eux qui ont sans cesse sous les yeux la noble simplicité de l’antique. Ils aiment ce qui est brillant plutôt que ce qui est élégant et commode. Ils ont en tout genre les avantages et les inconvéniens de ne point vivre habituellement en société. Leur luxe est pour l’imagination plutôt que pour la jouissance ; isolés qu’ils sont entre eux, ils ne peuvent redouter l’esprit de moquerie qui pénètre rarement à Rome dans les secrets de la maison ; et l’on dirait souvent, à voir le contraste du dedans et du dehors des palais, que la plupart des grands seigneurs d’Italie arrangent leurs demeures pour éblouir les passans, mais non pour y recevoir des amis.

Après avoir parcouru les églises et les palais, Corinne conduisit Oswald dans la Villa Mellini, jardin solitaire et sans autre ornement que des arbres magnifiques. On voit de là, dans l’éloignement, la chaîne des Appenins ; la transparence de l’air colore ces montagnes, les rapproche et les dessine d’une manière singulièrement pittoresque. Oswald et Corinne restèrent dans ce lieu quel-