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CORINNE OU L’ITALIE

dans la vie domestique qu’il peut être doux de se sentir ainsi dominée par une seule affection. Moi qui ai besoin de mes talens, de mon esprit, de mon imagination pour soutenir l’éclat de la vie que j’ai adoptée, cela me fait mal, et beaucoup de mal, d’aimer comme je vous aime. — Vous ne me sacrifieriez donc pas, lui dit Oswald, ces hommages, cette gloire… — Que vous importe, dit Corinne, de savoir si je vous les sacrifierais ! Il ne faut pas, puisque nous ne sommes point destinés l’un à l’autre, flétrir à jamais pour moi le genre de bonheur dont je dois me contenter. — Lord Nelvil ne répondit point, parce qu’il fallait, en exprimant son sentiment, dire aussi quel dessein ce sentiment lui inspirait, et son cœur l’ignorait encore. Il se tut donc en soupirant, et suivit Corinne au bal, quoiqu’il lui en coutât beaucoup d’y aller.

C’était la première fois, depuis son malheur, qu’il revoyait une grande assemblée ; et le tumulte d’une fête lui causa une telle impression de tristesse, qu’il resta long-temps dans une salle à côté de celle du bal, la tête appuyée sur sa main, et ne cherchant pas même à voir danser Corinne. Il écoutait cette musique de danse, qui, comme toutes les musiques, fait rêver, bien qu’elle ne semble destinée qu’à la