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Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/22

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CORINNE OU L’ITALIE

tion à l’Italie, et rendait presqu’impossible à lord Nelvil de s’en occuper ; car il le détournait sans cesse de la disposition qui fait admirer un beau pays et sentir son charme pittoresque. Oswald prêtait l’oreille autant qu’il le pouvait au bruit du vent, au murmure des vagues ; car toutes les voix de la nature faisaient plus de bien à son ame que les propos de la société tenus au pied des Alpes, à travers les ruines et sur les bords de la mer.

La tristesse qui consumait Oswald eût mis moins d’obstacle au plaisir qu’il pouvait goûter par l’Italie, que la gaieté même du comte d’Erfeuil : les regrets d’une ame sensible peuvent s’allier avec la contemplation de la nature et la jouissance des beaux arts ; mais la frivolité, sous quelque forme qu’elle se présente, ôte à l’attention sa force, à la pensée son originalité, au sentiment sa profondeur. Un des effets singuliers de cette frivolité était d’inspirer beaucoup de timidité à lord Nelvil dans ses relations avec le comte d’Erfeuil : l’embarras est presque toujours pour celui dont le caractère est le plus sérieux. La légèreté spirituelle en impose a l’esprit méditatif, et celui qui se dit heureux semble plus sage que celui qui souffre.

Le comte d’Erfeuil était doux, obligeant, fa-